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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 22:06

La côte est en vue
et les lueurs du port
et la mer est pensive et s'étale
que l'étrave fend silencieuse.

La côte est en vue
et les lueurs du port
Et le désir à l'eau
de rejoindre l'amante
et ses blancs acacias
qui trempaient leur tignasse
à l'encre turquoise
et repeignaient sans hâte
les nuages en partance.

Les cordages se tendent
aux soupirs de la coque.
Des regrets du grand large
Aux ennuis immobiles
d'une course achevée,
le ciel moribond
vomissait l'océan
crachant au visage
une mer outragée.

La côte est en vue
et les lueurs du port
et la mer est en deuil
toute drapée de noir

Laurent Chaineux

http://www.lezardes-et-murmures.com 

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 22:00

Dans la nuit il y a naturellement les sept merveilles
du monde et la grandeur et le tragique et le charme.
Les forêts s'y heurtent confusément avec des créatures de légende cachées dans les fourrés.
Il y a toi.

Dans la nuit il y a le pas du promeneur
et celui de l'assassin et celui du sergent de ville
et la lumière du réverbère
et celle de la lanterne du chiffonnier.
Il y a toi.

Dans la nuit passent les trains et les bateaux
et le mirage des pays où il fait jour.
Les derniers souffles du crépuscule
et les premiers frissons de l'aube.
Il y a toi.

Un air de piano, un éclat de voix.
Une porte claque. Un horloge.
Et pas seulement les êtres et les choses et les bruits matériels.
Mais encore moi qui me poursuis ou sans cesse me dépasse.
Il y a toi l'immolée, toi que j'attends.

Parfois d'étranges figures naissent
à l'instant du sommeil et disparaissent.
Quand je ferme les yeux,
des floraisons phosphorescentes apparaissent
et se fanent et renaissent comme des feux d'artifice charnus.
Des pays inconnus que je parcours en compagnie de créatures.
Il y a toi sans doute, ô belle et discrète espionne.

Et l'âme palpable de l'étendue.
Et les parfums du ciel et des étoiles
et le chant du coq d'il y a 2,000 ans
et le cri du paon dans des parcs en flamme et des baisers.

Des mains qui se serrent sinistrement dans une lumière blafarde
et des essieux qui grincent sur des routes médusantes.
Il y a toi sans doute que je ne connais pas,
que je connais au contraire.

Mais qui, présente dans mes rêves,
t'obstines à s'y laisser deviner sans y paraître.
Toi qui restes insaisissable
dans la réalité et dans le rêve.

Toi qui m'appartiens de par ma volonté
de te posséder en illusion
mais qui n'approches ton visage du mien
que mes yeux clos aussi bien au rêve qu'à la réalité.

Toi qu'en dépit d'un rhétorique facile
où le flot meurt sur les plages,
où la corneille vole dans des usines en ruines,
où le bois pourrit en craquant sous un soleil de plomb.

Toi qui es à la base de mes rêves
et qui secoues mon esprit plein de métamorphoses
et qui me laisses ton gant quand je baise ta main.
Dans la nuit il y a les étoiles
et le mouvement ténébreux de la mer,
des fleuves, des forêts, des villes, des herbes,
des poumons de millions et millions d'êtres.

Dans la nuit il y a les merveilles du mondes.
Dans la nuit il n'y a pas d'anges gardiens
mais il y a le sommeil.
Dans la nuit il y a toi.

Dans le jour aussi.

Robert Desnos

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 21:56

                                   À Dina Desmet

La nuit rapiécée se rétrécit, Dina
Devient courte, se fait triste

Comme s'il n'y avait plus d'étoiles en haut
De lampadaires en bas
Comme si elle n'était plus qu'un mur
Sans fenêtres recouvert d'affiches

De la musique de jazz comme des voleurs nous reconduit
A la Nouvelle-Orléans
Au moment où elle était
Pleine d'esclaves

Tu es une interrogation qui passe Dina, comme la brise s'en va
Un refrain qui gravit les côtes, danse sur la mer
Je ne suis qu'un vieil homme qui s'essouffle

Dans les yeux et sur les lèvres de femmes seules
Je vois mourir chaque seconde
Le désir que j'ai d'elles

Un couple d'Irlandais boit des bières
Un autre couple se laisse photographier pendant qu'il danse
Par un buveur dont la main tremble

Si je m'oublie je pourrais croire que tout va recommencer
Mais tes yeux me disent
Qu'il ne me reste que quelques mots pour colmater le mur
Emplir le vide qui s'empare de la ville jusqu'à la Baie des Anges
Cependant que la nuit se rétrécit encore
Que mon existence n'est plus qu'un raccourci

Paul Mari

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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 22:30

Vous cachez vos cheveux, la toison impudique,
Vous cachez vos sourcils, ces moustaches des yeux,
Et vous cachez vos yeux, ces globes soucieux,
Miroirs plein d'ombre où reste une image sadique;

L'oreille ourlée ainsi qu'un gouffre, la mimique
Des lèvres, leur blessure écarlate, les creux
De la joue, et la langue au bout rose et joyeux,
Vous les cachez, et vous cachez le nez unique!

Votre voile vous garde ainsi qu'une maison
Et la maison vous garde ainsi qu'une prison;
Je vous comprends: l'Amour aime une immense scène.

Frère, n'est-ce pas là la femme que tu veux:
Complètement pudique, absolument obscène,
Des racines des pieds aux pointes des cheveux?

Germain Nouveau

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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 22:25

Déjà l'âge a flétri mon corps.
Ils ont blanchi, mes cheveux noirs,
mes genoux ne me portent plus.

O pareille à de jeunes faons,
toi, ma compagne bien-aimée,
on veut te ravir à mon cœur...

J'aime la fleur de la jeunesse.
Mon cœur est épris de soleil,
mon cœur est épris de beauté.

Sappho

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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 22:20


Ce soir,
Si j'écrivais un poème
pour la postérité?
fichtre
la belle idée

je me sens sûr de moi
j'y vas
et à la postérité
j'y dis merde et remerde
et reremerde
drôlement feintée
la postérité
qui attendait son poème

ah mais

Raymond Queneau

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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 22:15

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Que buvais-je, à genoux dans cette bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Dans un brouillard d'après-midi tiède et vert?

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
- Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert
Boire à ces gourdes jaunes, loin de ma case
Chérie? Quelque liqueur d'or qui fait suer.

Je faisais une louche enseigne d'auberge.
- Un orage vint chasser le ciel. Au soir
L'eau des bois se perdait sur les sables vierges,
Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares;

Pleurant, je voyais de l'or - et ne pus boire. -

Arthur Rimbaud

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 19:23

Qui lavera vos seins magnifiques, maîtresse?
Quelle main lascive épongera leur splendeur
D'un geste délicat, lent comme une caresse
A les faire exulter de joie et d'impudeur?

Quel lait de quelle biche qui ne les salisse?
Quelle douceur de doigt qui ne heurte leur grain
Sera-ce votre lait, ô chère? et votre main,
Qui laveront ce soir leur virginité lisse?

Lavez-les bien, vos seins; lavez-les, vos seins blancs
Promenez vos doigts fins sur leurs globes tremblants
Et pénétrez-les d'éblouissante lumière

Afin qu'en vos cheveux dont la noirceur reluit
Ils brillent dans leur sérénité coutumière,
Lunes de clarté nu au torse de la nuit.

Pierre Louÿs

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 16:52

La chambre est veuve
Chacun pour soi
Présence neuve
On paye au mois

Le patron doute
Payera-t-on
Je tourne en route
Comme un toton

Le bruit des fiacres
Mon voisin laid
Qui fume un âcre
Tabac anglais

Ô La Vallière
Qui boite et rit
De mes prières
Table de nuit

Et tous ensemble
Dans cet hôtel
Savons la langue
Comme à Babel

Fermons nos Portes
À double tour
Chacun apporte
Son seul amour

Guillaume Apollinaire

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 16:48

Ô saisons, Ô châteaux!
Quelle âme est sans défauts?
J'ai fait la magique étude
Du bonheur, qu'aucun n'élude.
Salut à lui, chaque fois
Que chante le coq gaulois.
Ah! je n'aurai plus d'envie:
Il s'est chargé de ma vie.

Ce charme a pris âme et corps
Et dispersé les efforts.
Ô saisons, Ô châteaux!
L'heure de sa fuite, hélas!
Sera l'heure du trépas.
Ô saisons, Ô châteaux!

Arthur Rimbaud

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