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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 19:21

Un hydrolat lacrymal lave
Les cieux vert-chou
Sous l'arbre tendronnier qui bave,
Vos caoutchoucs

Blancs de lunes particulières
Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons!

Nous nous aimions à cette époque,
Bleu laideron!
On mangeait des oeufs à la coque
Et du mouron!

Un soir, tu me sacras poète,
Blond laideron:
Descends ici, que je te fouette
En mon giron;

J'ai dégueulé ta bandoline,
Noir laideron;
Tu couperais ma mandoline
Au fil du front.

Pouah ! mes salives desséchées,
Roux laideron,
Infectent encor les tranchées
De ton sein rond!

Ô mes petites amoureuses,
Que je vous hais!
Plaquez de fouffes douloureuses
Vos tétons laids!

Piétinez mes vieilles terrines
De sentiment;
- Hop donc ! soyez-moi ballerines
Pour un moment!...

Vos omoplates se déboîtent,
Ô mes amours!
Une étoile à vos reins qui boitent
Tournez vos tours!

Et c'est pourtant pour ces éclanches
Que j'ai rimé!
Je voudrais vous casser les hanches
D'avoir aimé!

Fade amas d'étoiles ratées,
Comblez les coins!
- Vous crèverez en Dieu, bâtées
D'ignobles soins!

Sous les lunes particulières
Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons!

Arthur Rimbaud

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 19:15

La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
À mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.

Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe!

- Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre!

Charles Baudelaire

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 19:10

Je t'ai rêvée en la naïveté des choses,
Et j'ai parlé de toi aux plus vieilles d'entre elles,
À des champs, à des blés, aux arbres, à des roses.
Elles n'en seront pas pourtant plus éternelles,
Mais d'elles ou de moi celui qui doit survivre
En gardera quelque douceur pour ses vieux jours...
Je m'en vais les quitter, puisque voici les givres.
Tu ne les connaîtras jamais... les temps sont courts...
Mais vous ne pouvez pas vous être indifférentes,
Simplement parce que je vous ai très aimées...
Ô les toutes petites et si vieilles plantes!
Moi qui ne me les suis jamais imaginées
Hors de leur sol natal, ce m'est un grand chagrin
De savoir qu'elles mourront sans t'avoir connue...
Elles ont des airs si résignés, si sereins,
Et si tristes de ce que tu n'es pas venue!...
Que mon cœur soit pour toi le grand champ paternel,
Où si tu n'es pas née au moins tu dois mourir.
Que je te plante en moi, germe de toute rose,
Pour oublier que tu vécus ailleurs qu'en moi. -
Et tu passeras moins qu'ont passé bien des choses.

Henri Bataille

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7 mai 2010 5 07 /05 /mai /2010 18:30

Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d'or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.

J'aime la folle cruauté
Des chimères qu'on apprivoise:
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.

Là, sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L'extase et la naïveté:
Miss Ellen, versez-moi le Thé.

Théodore de Banville

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7 mai 2010 5 07 /05 /mai /2010 18:26

Dix ans aujourd'hui, dommage!
ça va devenir sérieux.
Un seul chiffre disait mon âge,
Maintenant il en faudra deux.

Deux chiffres, la même frontière
Que les gens les plus importants.
Deux chiffres pour la vie entière,
A moins d'aller jusqu'à cent ans.

  Lucie Delarue-Mardrus

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7 mai 2010 5 07 /05 /mai /2010 18:23

C'est l'enfourchement blanc des femmes affolées
Fourches pour Satan, fourches de charnel métal
Tête au chevet, tête au pied, couple horizontal
Droit comme un battant de cloche à toutes volées.

Et s'emboîtent les jambes avec rage, et les
Cuisses étreignent les ventres et les derrières
Et les rotules ont des fureurs meurtrières
Aux seins, et les pieds sont dans les cheveux foulés.

Les bouches crient, et les cons s'étranglent de bave
La fièvre aux extrémités des doigts se déprave
La nuque s'extasie aux fraîcheurs des pieds nus

Et les vierges, tandis que les suçoirs vulvaires
Font pleuvoir au vagin tout le sang des ovaires,
Affrontent douloureusement leurs sexes nus.

Pierre Louÿs

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7 mai 2010 5 07 /05 /mai /2010 18:16

Tétin refait, plus blanc qu'un oeuf,
Tétin de satin blanc tout neuf,
Tétin qui fait honte à la rose,
Tétin plus beau que nulle chose;
Tétin dur, non pas Tétin, voire,
Mais petite boule d'ivoire,
Au milieu duquel est assise
Une fraise, ou une cerise,
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gage qu'il est ainsi.
Tétin donc au petit bout rouge,
Tétin qui jamais ne se bouge,
Soit pour venir, soit pour aller,
Soit pour courir, soit pour baller.
Tétin gauche, Tétin mignon,
Toujours loin de son compagnon,
Tétin qui portes témoignage
Du demeurant du personnage.
Quand on te voit, il vient à maints
Une envie dedans les mains
De te tâter, de te tenir;
Mais il se faut bien contenir
D'en approcher, bon gré ma vie,
Car il viendrait une autre envie.

Ô Tétin ni grand ni petit,
Tétin mûr, Tétin d'appétit,
Tétin qui nuit et jour criez:
"Mariez moi, tôt mariez!"
Tétin qui t'enfles, et repousses
Ton gorgerin de deux bons pouces,
À bon droit heureux on dira
Celui qui de lait t'emplira,
Faisant d'un Tétin de pucelle
Tétin de femme entière et belle.

Clément Marot

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 22:04

Rendez-vous à la porte de tes parents
Nous te dirons ce qu'il faut faire
Ce que tu dois faire
pour survivre

Abandonne les villes pourries
de ton père
Abandonne les puits empoisonnés
et les rues souillées de sang
Pénètre dans la fraîcheur de la forêt

Jim Morrison

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 21:57

Plus ne suis ce que j'ai été,
Et ne le saurais jamais être;
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître:
Je t'ai servi sur tous les dieux.
Ah si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux!

*

Réponse au précédent

Ne menez plus tel déconfort:
Jeunes ans sont petites pertes;
Votre âge est plus mûr et plus fort
Que ces jeunesses mal expertes.
Boutons serrés, roses ouvertes,
Se passent trop légèrement;
Mais du rosier les feuilles vertes
Durent beaucoup plus longuement.

*

Sur le même propos

Pourquoi voulez-vous tant durer,
Et renaître en fleurissant âge?
Pour aimer et pour endurer?
Y trouvez-vous tant d'avantage?
Certes celui n'est pas bien sage
Qui quiert deux fois être frappé,
Et veut repasser un passage
Dont il est à peine échappé.

Clément Marot

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6 mai 2010 4 06 /05 /mai /2010 21:47

À la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme
L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers

J'ai vu ce matin une rue dont j'ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J'aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes

Voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant
Ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n'aimez rien tant que les pompes de l'Église
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis qu'éternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
C'est le beau lys que tous nous cultivons
C'est la torche aux cheveux roux que n'éteint pas le vent
C'est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prières
C'est la double potence de l'honneur et de l'éternité
C'est l'étoile à six branches
C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur

Pupille Christ de l'oeil
Vingtième pupille des siècles il sait y faire
Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l'air
Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judée
Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Énoch Élie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aéroplane
Ils s'écartent parfois pour laisser passer ceux qui portent la Sainte-Eucharistie
Ces prêtres qui montent éternellement en élevant l'hostie
L'avion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel s'emplit alors de millions d'hirondelles
À tire d'aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
D'Afrique arrivent les ibis les flamands les marabouts
L'oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes
Plane tenant dans les serres le crâne d'Adam la première tête
L'aigle fond de l'horizon en poussant un grand cri
Et d'Amérique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n'ont qu'une seule aile et volent par couples
Puis voici la colombe esprit immaculé
Qu'escortent l'oiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même s'engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirènes laissant les périlleux détroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phénix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine

Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d'autobus mugissants près de toi roulent
L'angoisse de l'amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
Si tu vivais dans l'ancien temps tu entrerais dans un monastère
Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Tu te moques de toi et comme le feu de l'Enfer ton rire pétille
Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C'est un tableau pendu dans un sombre musée
Et quelquefois tu vas le regarder de près

Aujourd'hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées
C'était et je voudrais ne pas m'en souvenir c'était au déclin de la beauté

Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m'a regardé à Chartres
Le sang de votre Sacré-Coeur m'a inondé à Montmartre
Je suis malade d'ouïr les paroles bienheureuses
L'amour dont je souffre est une maladie honteuse
Et l'image qui te possède te fait survivre dans l'insomnie et dans l'angoisse
C'est toujours près de toi cette image qui passe

Maintenant tu es au bord de la Méditerranée
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l'année
Avec tes amis tu te promènes en barque
L'un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur

Tu es dans le jardin d'une auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieu d'écrire ton conte en prose
La cétoine qui dort dans le coeur de la rose
Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit
Tu étais triste à mourir le jour où tu t'y vis
Tu ressembles au Lazare affolé par le jour
Les aiguilles de l'horloge du quartier juif vont à rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en écoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tchèques

Te voici à Marseille au milieu des pastèques

Te voici à Coblence à l'hôtel du Géant

Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon

Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide
Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je me souviens j'y ai passé trois jours et autant à Gouda

Tu es à Paris chez le juge d'instruction
Comme un criminel on te met en état d'arrestation

Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t'apercevoir du mensonge et de l'âge
Tu as souffert de l'amour à vingt et à trente ans
J'ai vécu comme un fou et j'ai perdu mon temps

Tu n'oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que j'aime sur tout ce qui t'a épouvanté

Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent les enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de l'argent dans l'Argentine
Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre coeur
Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels
Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges
Je les ai vu souvent le soir ils prennent l'air dans la rue
Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
Il y a surtout des juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

Tu es la nuit dans un grand restaurant

Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant
Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant

Elle est la fille d'un sergent de ville de Jersey

Ses mains que je n'avais pas vues sont dures et gercées

J'ai une pitié immense pour les coutures de son ventre

J'humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche

Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues

La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive
C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d'Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d'une autre forme et d'une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu

Soleil cou coupé

Guillaume Apollinaire

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