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25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 12:02

L’aube porteuse d’eau
Le ramage des voix

L’enfant noir bercé à flanc de colline
Un ciel ou une mer de porcelaine bleue
Ce rire aux éclats qu’ont les vérandas
Et tout ce qui nous vient de l’avenir:
Couleurs, pollens dans la porosité de l’air

C’est un allègement
Un soleil de le dire

Gilles Baudry

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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 22:26

Un dimanche après-midi, à Coutances
Dans une chambre d'hôtel moyen, sans étoiles
Le soleil passait à travers des rideaux de voiles
Un soleil frais

Je me suis levé bien tard, ce matin
Trop tard pour le petit déjeuner
Je suis sorti, sans rien manger
Je me suis rangé derrière la queue de la boulangerie
La ville était toute habillée de dimanche et de soleil
Un soleil frais

Sur un banc d'un jardin public, je me suis recueilli
Avec un sablé et un pain raisin comme seule compagnie
Mais qu'est ce que je suis venu faire ici ?
Entre deux vacances
Un dimanche après-midi à Coutances

Dick Annegarn

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16 octobre 2013 3 16 /10 /octobre /2013 21:18

Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle,
Et ne faisait pas de mimes quand on le photographiait.

Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes:
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là?
Quand commence le temps et où finit l’espace?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve?
Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas…simplement l’apparence d’un monde devant le monde?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi… qui suis moi, je ne serais plus ce moi que je suis?

Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.

Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute,  
Et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises, exalté
Comme aujourd’hui encore,
Il était intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.

Lorsque l’enfant était enfant il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours."

Peter Handke
(Introduction du film de Wim Wender Les Ailes du désir)

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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 21:44

J'ai vécu dans ces temps et depuis mille années
Je suis mort. Je vivais, non déchu mais traqué.
Toute noblesse humaine étant emprisonnée
J'étais libre parmi les esclaves masqués.

J'ai vécu dans ces temps et pourtant j'étais libre.
Je regardais le fleuve et la terre et le ciel.
Tourner autour de moi, garder leur équilibre
Et les saisons fournir leurs oiseaux et leur miel.

Vous qui vivez qu'avez-vous fait de ces fortunes?
Regrettez-vous les temps où je me débattais?
Avez-vous cultivé pour des moissons communes?
Avez-vous enrichi la ville où j'habitais?

Vivants, ne craignez rien de moi, car je suis mort.
Rien ne survit de mon esprit ni de mon corps.

Robert Desnos

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1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 20:36

Ode

Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l'Europe illuminée,
Ô train de luxe! et l'angoissante musique
Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,
Dorment les millionnaires.
Je parcours en chantonnant tes couloirs
Et je suis ta course vers Vienne et Budapest,
Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
Ô Harmonika-Zug!

J’ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow
On glissait à travers des prairies où des bergers,
Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
Étaient vêtus de peaux de moutons crues et sales…
(Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
Et vous, grandes places à travers lesquelles j’ai vu passer la Sibérie et les Monts du Samnium,
La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une pluie tiède!

Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn, prêtez-moi
Vos miraculeux bruits sourds et
Vos vibrantes voix de chanterelle;
Prêtez-moi la respiration légère et facile
Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
Si aisés, les locomotives des rapides,
Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettre d’or
Dans la solitudes montagnardes de la Serbie,
Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses…

Ah! Il faut que ces bruits et que ce mouvement
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie indicible, ma vie
D’enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues.

Valéry Larbaud

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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 22:15

Une voix sous-marine enfle l'inflexion
De ta bouche et la mer est glauque tout entière
De rouler ta chair pâle en son remous profond.

Et la queue enroulée à ta stature altière
Fait rouer sa splendeur au ciel plein de couchant,
Et, parmi les varechs où tu fais ta litière,

Moi qui passe le long des eaux, j'ouïs ton chant
Toujours, et, sans te voir jamais, je te suppose
Dans ton hybride grâce et ton geste alléchant.

Je sais l'eau qui ruisselle à ta nudité rose,
Visqueuse et te salant journellement ta chair
Où une flore étrange et vivante est éclose;

Tes dix doigts dont chacun pèse du chaton clair
Que vint y incruster l'algue ou le coquillage
Et ta tête coiffée au hasard de la mer;

La blanche bave dont bouillonne ton sillage,
L'astérie à ton front et tes flancs gras d'oursins
Et la perle que prit ton oreille au passage;

Et comment est plaquée en rond entre tes seins
La méduse ou le poulpe aux grêles tentacules,
Et tes colliers d'écume humides et succincts.

Je te sais, ô sirène occulte qui circules
Dans le flux et le reflux que hante mon loisir
Triste et grave, les soirs, parmi les crépuscules,

Jumelle de mon âme austère et sans plaisir,
Sirène de ma mer natale et quotidienne,
O sirène de mon perpétuel désir!

Ô chevelure! Ô hanche enflée avec la mienne,
Seins arrondis avec mes seins au va-et-vient
De la mer, ô fards clairs, ô toi, chair neustrienne!

Quand pourrais-je sentir ton cœur contre le mien
Battre sous ta poitrine humide de marée
Et fermer mon manteau lourd sur ton corps païen,

Pour t'avoir nue ainsi qu'une aiguille effarée
A moi, dans le frisson mouillé des goémons,
Et posséder enfin ta bouche désirée?

Ou quel soir, descendue en silence des monts
Et des forêts vers toi, dans tes bras maritimes
Viendras-tu m'emporter pour, d'avals en amonts,
Balancer notre étreinte au remous des abîmes?...

Lucie Delarue-Mardrus

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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 21:20

République Argentine - La Plata
Ni les attraits des plus aimables Argentines,
Ni les courses à cheval dans la pampa,
N'ont le pouvoir de distraire de son spleen
Le Consul général de France à la Plata!

On raconte tout bas l'histoire du pauvre homme:
Sa vie fut traversée d'un fatal amour,
Et il prit la funeste manie de l'opium;
Il occupait alors le poste à Singapoore…

- Il aime à galoper par nos plaines amères,
Il jalouse la vie sauvage du gaucho,
Puis il retourne vers son palais consulaire,
Et sa tristesse le drape comme un poncho…  

Il ne s'aperçoit pas, je n'en suis que trop sûr, 
Que Lolita Valdez le regarde en souriant,
Malgré sa tempe qui grisonne, et sa figure
Ravagée par les fièvres d'Extrême-Orient…

Henry Jean-Marie Levet

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 15:21

Entre visions et reflets mon amour,
Je prends l’empreinte de tes yeux,
Le cristal de ton corps jeté dans la lumière.
Je pars nous mettre à l’abri de ce temps.

Je donne ton sourire à une bouche d’or,
Je laisse tes cheveux recoudre l’infini,
J’attache à ton désir un désir absolu,
J’appelle de ton nom le chant des solitudes.

Il y a je le sais des traces sur le vide,
Des blessures qui dessinent le chaos de mon cœur.
Je suis au labyrinthe où je me suis perdu,
En rêvant de me perdre sans retour avec toi.

Je te veux dans mes bras comme au ciel,
Je te veux à tous les échos essoufflés,
Je te veux à bout portant accordée, 
Je te veux avec moi dans un néant solitaire.

En ton visage est au creux de mes mains,
Je le presse si fort sur mon propre visage,
Que je traverse monts et désastres, ruines ou glaciers,
Jusqu’à toucher encore cette merveille de nous,

Entre visions et reflets mon amour.

André Velter

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17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 22:16

Mon avenir sur ton visage est dessiné comme des nervures sur une feuille,
Ta bouche quand tu ris est ciselée dans l’épaisseur d’une flamme,
La douceur luit dans tes yeux comme une goutte d’eau dans la fourrure d’une vivante zibeline,
La houle ensemence ton corps et telle une cloche ta frénésie à toute volée résonne à travers mon sang
Comme tous les fleuves abandonnent leurs lits pour le fond de sable de ta beauté,
Comme des caravanes d’hirondelles regagnent tous les ans la clémence de ton méridien,
En toute saison je me cantonne dans l’invariable journée de ta chair,
Je suis sur cette terre pour être à l’infini brisé et reconstruit par la violence de tes flots,
Ton délice à chaque instant me recrée tel un cœur ses battements,
Ton amour découpe ma vie comme un grand feu de bois à l’horizon illimité des hommes.

René Depestre

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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 23:15

Quand la sueur de l'Indien se trouva brusquement tarie par le soleil
Quand la frénésie de l'or draina au marché la dernière goutte de sang indien
De sorte qu'il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d'or
On se tourna vers le fleuve musculaire de l'Afrique
Pour assurer la relève du désespoir
Alors commença la ruée vers l'inépuisable
Trésorerie de la chair noire
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
Dans l'épaisseur du minerai noir
Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
Au moyen d'obtenir quelque alliage précieux
Avec le métal noir tout juste si des dames ne
Rêvèrent d'une batterie de cuisine
En nègre du Sénégal d'un service à thé
En massif négrillon des Antilles
Tout juste si quelque curé
Ne promit à sa paroisse
Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir
Ou encore si un brave Père Noël ne songea
Pour sa visite annuelle
À des petits soldats de plomb noir
Ou si quelque vaillant capitaine
Ne tailla son épée dans l'ébène minéral
Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
Dans les entrailles de ma race
Dans le gisement musculaire de l'homme noir
Voilà de nombreux siècles que dure l'extraction
Des merveilles de cette race
Ô couches métalliques de mon peuple
Minerai inépuisable de rosée humaine
Combien de pirates ont exploré de leurs armes
Les profondeurs obscures de ta chair
Combien de flibustiers se sont frayé leur chemin
À travers la riche végétation des clartés de ton corps
Jonchant tes années de tiges mortes

René Depestre

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