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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 09:59

Tu es belle, ma mère,
Comme un pain de froment,
Et dans tes yeux d'enfant
Le monde tient à l'aise.

Ta chanson est pareille
Au bouleau argenté
Que le matin couronne
D'un murmure d'abeilles.

Tu sens bon la lavande,
La cannelle et le lait,
Ton cœur candide et frais
Parfume la maison.

Et l'automne est si doux
Autour de tes cheveux
Que les derniers coucous
Viennent te dire adieu.

Maurice Carême

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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 01:55

Deux grues,
Ferrailles et contre-poids,
Font le pied de grue,
A l'ombre de mon toit.

Elles attendent les hommes,
Les hommes qui les manœuvrent,
Pour nous faire à pied d'œuvre
Un semblant de chef-d'œuvre.
Soudain, c'est la sirène:
Un autre jour commence,
Avec la vie qu'il ramène
Le calvaire recommence.
Pétarades de moteurs...
Scies, perceuses électriques...
Marteaux piqueurs...
Et engins mécaniques...
Pour les voisins que nous sommes,
Jusqu'en nous les bruits résonnent.
Enfin, Voici midi qui sonne!
Dans le chantier assoupi,
Ne verrons plus personne
Pour deux heures de répit.

Deux grues,
Ferrailles et contre-poids
Font le pied de grue,
A l'ombre de mon toit.

Jane Delignac

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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 22:43

De doux après-midi d'automne
brunissent au fond de ses yeux
les pas y sont silencieux
des feuilles rousses y pigeonnent

Dans leurs allées au sable aphone
entre de grands arbres très vieux
sous des lambeaux de ciel brumeux
des vents enrubannés frissonnent

D'étranges lames de tarot
m'y disent la bonne aventure
je sais y lire ce qui dure
ou ce qui adviendra bientôt
lorsqu'un bateau noir dans leur port
appareillera pour ma mort

Louis Calaferte

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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 21:28

Tantôt, tu serais habitée
Par un million d'oiseaux.

Tantôt, tu serais habillée
De fleurs, de feuilles et de fruits.

Tantôt, tu quitterais Paris
Au beau milieu de la nuit
Pour partir seule à la mer.

Peut-être aussi penserais-tu
A inviter les pyramides
Au moins une fois l'an

Et vous ririez bien ensemble
D'ébahir les Parisiens
Qui ne croient jamais à rien.

Alain Debroise

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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 22:39

Eros est à Picadilly
nous y sommes aussi
                    la nuit

Tu m'as appris les noms des streets
qui nous ont amenés ici
c'est le dernier de mes soucis
de ton anglais me suffit
                     le seul mot sweet

Les enseignes multicolores
te font de mille travestis

des yeux de lapis-lazulli
c'est dans de grand charivari
                      que je t'adore

Eros est à Picadilly
nous y sommes aussi
                       la nuit

Et je t'embrasse à pleine bouche

Louis Calaferte

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8 août 2010 7 08 /08 /août /2010 22:52

À Londres je connus Bella,
     Princesse moins lointaine 
Que son mari le capitaine
     Qui n'était jamais là.  

Et peut-être aimait-il la mangue;
     Mais Bella, les Français 
Tels qu'on le parle: c'est assez
     Pour qui ne prend que langue;  

Et la tienne vaut un talbin.
     Mais quoi? Rester rebelle, 
Bella, quand te montre si belle
     Le désordre du bain?  

Paul-Jean Toulet

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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 21:22

Les étreintes du sang ont une pauvre flamme,
Les regards de l'amour s'arrêtent à nos yeux
Et le parfum intime et profond de notre âme
Doit en elle à jamais rester mystérieux.
Il faut que sur la lèvre à jamais étrangère
La coupe du baiser brise son frêle orgueil
Et répande sur nous le froid d'un cimetière:
Mon âme est dans ma chair comme dans un cercueil.

Cécile Sauvage

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 22:34

Crever de faim là-bas, faire la tournée des bars,
et à la nuit tombée marcher dans les rues
pendant des heures
la lumière de la lune me semblait toujours artificielle
et peut-être qu’elle l’était
et dans le quartier français je regardais
les chevaux et les buggys qui passaient,
tous étaient assis en hauteur dans les carrioles ouvertes
le conducteur noir, et,
à l’arrière l’homme et la femme, jeunes en général
et toujours blancs Et j’étais toujours blanc
et difficilement séduit par le monde
La Nouvelle Orléans c’était pour se cacher
je pouvais foutre ma vie en l’air
on me foutait la paix
A part les rats les rats dans ma petite chambre sombre
qu’ils n’appréciaient pas du tout de devoir partager
avec moi
Ils étaient gros et n’avaient peur de rien
et ils me fixaient avec des yeux
qui me vouaient
une mort
implacable.

Charles Bukowski

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22 juillet 2010 4 22 /07 /juillet /2010 23:07

Tous les livres étaient déjà écrits,
tous les exploits, semble-t-il, accomplis.
Tout ce que voyaient ses beaux yeux
était le fruit d’efforts très vieux.
Maisons, ponts, et chemins de fer
avaient vraiment quelque chose d’insigne.
Il songeait au bouillant Laertes,
à Lohengrin et à son doux cygne,
partout, déjà, le sublime était accompli,
remontait à des temps reculés.
On le voyait chevaucher dans les champs, solitaire.
La vie était échouée sur la grève
comme un canot qui ne peut plus tanguer, glisser.

Robert Walser

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19 juillet 2010 1 19 /07 /juillet /2010 23:00

Notre Père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son Océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-même d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leur tortionnaires
Avec les maître de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons.

Jacques Prévert

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