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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 22:35
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue:
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La Fourmi n'est pas prêteuse;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez? j'en suis fort aise:
Eh bien! dansez maintenant."

Jean de la Fontaine
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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 22:27
La Seine a de la chance
elle n'a pas de soucis
elle se la coule douce
le jour comme la nuit
et elle sort de sa source
tout doucement sans bruit
et sans faire de mousse
sans sortir de son lit
elle s'en va vers la mer
en passant par Paris

Jacques Prévert
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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 13:45
Le ciel est plein de mains coupées
et les fossiles du sommeil
oscillent sur des socles d'ombre
Tes mains de bête lasse trouent
la grenade ivre de silence
Pour échapper à cette soif
entre ton esprit et ta gorge
tu griffes l'émail de ton rêve
Mais la pluie éclate de rire
Tu cries comme une graine folle
oubliée dans un feu d'argile

Francesca Yvonne Caroutch
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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 13:41
Rappelle-toi nos roses
quand tu dormais contre mon cœur
ce pays presque le mien
s'il ne tenait qu'à moi
n'aurait pas de barrières
manger le pain blanc
contre un travail morose
les amours jaunies
sous les tilleuls de la Saint-jean
des guêpes de soleil
la barque dérive
septembre guillotine
les promesses du printemps
Personne ne m'aime
croasse la mort
passe et repasse
au-dessus du fleuve

Jean Vodaine
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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 13:38
La terre, en mars, est une page sous la pluie
Chaque sillon est une ligne recouverte
Par l'ébauche d'un chant de blé, qu'avec la pie
Le corbeau corrige du bec, à l'encre verte.

La graine est l'alphabet des langues végétales
Balbutiées au cœur exsangue de la neige
Et parlées à voix haute par les céréales
Dont les coquelicots ponctuent le florilège.

La sève, flot verbal des forêts qu'elle inonde,
Les sources en pressentent l'élan vers les faîtes
Car l'eau sur ce qui naît aux entrailles du monde
En sait peut-être autant que le sang des poètes.

Jean Gateau
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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 13:34
J'ai jeté ma lampe dans le jardin pour qu'il voie clair et je me suis couché. Le bruit remuait tout au dehors. Mes oreilles dorment. La lumière frappe à ma porte.

Paul Eluard
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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 21:58
Coucher avec elle
Pour le sommeil côte à côte
Pour les rêves parallèles
Pour la double respiration

Coucher avec elle
Pour l’ombre unique et surprenante
Pour la même chaleur
Pour la même solitude

Coucher avec elle
Pour l’aurore partagée
Pour le minuit identique
Pour les mêmes fantômes

Coucher coucher avec elle
Pour l’amour absolu
Pour le vice, pour le vice
Pour les baisers de toute espèce

Coucher avec elle
Pour un naufrage ineffable
Pour se prouver et prouver vraiment
Que jamais n’a pesé sur l'âme et le corps des amants
Le mensonge d’une tache originelle

Robert Desnos
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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 21:49
Dans l'ombre de ce vallon
Pointent les formes légères
Du Rêve. Entre les bourgeons
Et du milieu des fougères
Émergent des fronts songeurs
Dans leurs molles chevelures,
Et des mamelles plus pures
Que le calice des fleurs.

O rêve, de cette écorce
Dégage ton souple torse,
Tes deux seins roses et blancs,
Et laisse dans le branchage
Retomber le long feuillage
De tes cheveux indolents.
Ne sors jamais qu'à demi
De cette écorce native
Et reste à jamais captive
De ce silence endormi,
O Beauté triste et pensive.

Cécile Sauvage
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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 21:44
Se voir le plus possible et s'aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu'un désir nous trompe, ou qu'un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son cœur à tout moment;

Respecter sa pensée aussi loin qu'on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d'un songe,
Et dans cette clarté respirer librement -
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.

Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
C'est vous, la tête en fleurs, qu'on croirait sans souci,
C'est vous qui me disiez qu'il faut aimer ainsi.

Et c'est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci:
Oui, l'on vit autrement, mais c'est ainsi qu'on aime.

Alfred de Musset
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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 21:36
Sur la bruyère longue infiniment,
Voici le vent cornant Novembre;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.

Le vent rafle, le long de l'eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d'oiseaux ;
Le vent râpe du fer
Et peigne, au loin, les avalanches,
Rageusement du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Dans les étables lamentables,
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitres et de papier.
- Le vent sauvage de Novembre! -
Sur sa butte de gazon bistre,
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d'éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Les vieux chaumes, à cropetons,
Autour de leurs clochers d'église.
Sont ébranlés sur leurs bâtons;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre.
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent, comme un grand vol,
Rabattu noir, contre le sol.

Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L'avez-vous rencontré le vent,
Au carrefour des trois cents routes,
Criant de froid, soufflant d'ahan,
L'avez-vous rencontré le vent,
Celui des peurs et des déroutes;
L'avez-vous vu, cette nuit-là,
Quand il jeta la lune à bas,
Et que, n'en pouvant plus,
Tous les villages vermoulus
Criaient, comme des bêtes,
Sous la tempête?

Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent hurlant,
Voici le vent cornant Novembre.

Emile Verhaeren
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