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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 09:50
Je n’ai pas l’âge de mes désirs
Il n’est pas l’heure d’avoir mon âge
Si j’ai laissé passer le temps
C’est qu’il me semblait imprécis
Que voulez-vous, j’avais le temps
J’avais le temps d’avoir mon âge
Il a fallu que j’en revienne
De l’illusion si dérisoire
Que demain n’était pas demain
Des "J’aurais pu, mais je ferai"
"je n’ai pas dit, mais je dirai"
J’en ai connu plus qu’il n’en faut
Mes désirs m’ont désespéré
Je n’avais pas vraiment leur âge
J’étais comme un peu à côté
Mais ils me rattrapent, au passage
Je crois les avoir préservés
Je n’ai pas l’âge de mes désirs
Mais je désire avoir leur âge

Matthias Vincenot
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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 09:43
O toi qui savamment jettes un beau regard,
Bleu comme les minuits, à travers les fenêtres,
Je te vis sur la route où j’errais au hasard
Des parfums et de l’heure et des rires champêtres.

Le soleil blondissait tes cheveux d’un long rai,
Tes prunelles sur moi dardaient leur double flamme;
Tu m’apparus, ô nymphe! et je considérai
Ton visage de vierge et tes hanches de femmes.

Je te vis sur la route où j’errais au hasard
Des ombres et de l’heure et des rires champêtres,
O toi qui longuement jettes un beau regard,
Bleu comme les minuits, à travers les fenêtres.

Renée Vivien
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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 22:29
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure
Que les séraphins noirs t'ont faite au fond du cœur;
Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur.
Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,
Que ta voix ici-bas doive rester muette.

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
En vain il a des mers fouillé la profondeur;
L'océan était vide et la plage déserte;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur;
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort se recommande à Dieu.

Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le cœur;
Leurs déclamations sont comme des épées:
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant;
Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang.
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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 22:12
Plus pur que l'air nocturne où l'or bleu s'éblouit
Plus pur que le désir suscité par les astres
Un cœur de marbre qu'un lent souffle épanouit
Éclôt d'une colonne où l'or des astres luit.
Fleur! ô les cœurs d'acanthe aux cous blancs des pilastres!

Les souvenirs de l'être et du jour et du bruit
Se perdent, vieux voiles oubliés par leur âme.
Le cœur, rose de glace aux doigts d'Elle, réclame
Le crêpe en lourds flots noirs des longs deuils de la nuit.

II se meurt d'une envie éternelle et tranquille.
Sa vision descend dans l'hiver immobile,
Descend, neige et l'ensevelit de lins ailés.

Extase qui revient des étoiles heureuses
Suivre dans les déserts vers les lieux révélés

Le silence mortel mené par les pleureuses.

Pierre Louÿs
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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 22:06
Femme avec laquelle j'ai vécu
Femme avec laquelle je vis
Femme avec laquelle je vivrai
Toujours la même
Il te faut un manteau rouge
Des gants rouges un masque rouge
Et des bas noirs
Des raisons des preuves
De te voir toute nue
Nudité pure ô parure parée

Seins ô mon cœur

Paul Eluard
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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 21:53
Au petit jour naît la petite aube, la microaube
puis c'est le soleil bien à plat sur sa tartine
il finit par s'étaler, on le bat avec le blanc des nuages
et la farine des fumées de la nuit
et le soir meurt la toute petite crêpe, la crépuscule

Raymond Queneau
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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 21:46
Je la pris près de la rivière
Car je la croyais sans mari
Tandis qu'elle était adultère
Ce fut la Saint-Jacques la nuit
Par rendez-vous et compromis
Quand s'éteignirent les lumières
Et s'allumèrent les cri-cri
Au coin des dernières enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s'ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l'empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par douze couteaux à la fois
Les cimes d'arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyait loin de la rivière

Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s'enfonce
Et fait un trou dans le limon
Quand ma cravate fût ôtée
Elle retira son jupon
Puis quand j'ôtai mon ceinturon
Quatre corsages d'affilée
Ni le nard ni les escargots
N'eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N'ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L'une moitié toute embrasée
L'autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers

Je suis homme et ne peux redire
Les choses qu'elle me disait
Le clair entendement m'inspire
De me montrer fort circonspect
Sale de baisers et de sable
Du bord de l'eau je la sortis
Les iris balançaient leur sabre
Contre les brises de la nuit
Pour agir en pleine droiture
Comme fait un loyal gitan
Je lui fis don en la quittant
D'un beau grand panier à couture
Mais sans vouloir en être épris
Parce qu'elle était adultère
Et se prétendait sans mari
Quand nous allions vers la rivière

Federico Garcia Lorca
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20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 21:15
Merci à la vie qui m'a tant donné.
Elle m'a donné deux yeux et quand je les ouvre
Je distingue parfaitement le noir du blanc
Et là-haut dans le ciel, un fond étoilé
Et parmi les multitudes, l'homme que j'aime.

Merci à la vie qui m'a tant donné.
Elle m'a donné d'entendre, oreilles grandes ouvertes
Enregistrer nuit et jour grillons et canaris,
Marteaux, turbines, aboiements, orages,
Et la voix si tendre de mon bien-aimé.

Merci à la vie qui m'a tant donné.
Elle m'a donné la voix et des lettres
Avec lesquelles je pense les mots, et je dis
Mère, ami, frère, lumière qui éclaire
Le chemin de l'âme que j'aime.

Merci à la vie qui m'a tant donné.
Elle m'a donné de marcher de mes pieds fatigués
Et j'ai ainsi parcouru villes et marécages,
Plages et déserts, montagnes et plaines
Jusqu'à ta maison, ta rue, ta cour.
Merci à la vie qui m'a tant donné.

Elle m'a donné un cœur qui devient débordant
Quand je vois le fruit du cerveau humain;
Quand je vois la distance qu'il y a entre le bien et le mal
Quand je vois le fond de tes yeux clairs.
Merci à la vie qui m'a tant donné.

Elle m'a donné le rire, elle m'a donné les pleurs.
Ainsi, je distingue le bonheur du désespoir
Ces deux éléments qui forment mon chant,
Et votre chant qui est le même chant,
Et le chant de tous, qui est encore mon chant.

Violetta Parra
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20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 21:08
Que les très laides me pardonnent mais la beauté est fondamentale. Il faut dans tout cela qu'il y ait quelque chose d'une fleur, quelque chose d'une danse, quelque chose de haute couture dans tout cela (ou alors
Que la femme se socialise élégamment en bleu comme dans la République Populaire Chinoise).
Il n'y a pas de moyen terme. Il faut que tout soit beau. Il faut que, tout à coup on ait l'impression de voir une aigrette à peine posée, et qu'un visage acquière de temps en temps cette couleur que l'on ne rencontre qu'à la troisième minute de l'aurore.
Il faut que tout cela soit sans être, mais que cela se reflète et s'épanouisse dans le regard des hommes. Il faut, il faut absolument que tout soit beau et inespéré. Il faut que des paupières closes rappellent un vers d'Eluard, et que l'on caresse sur des bras quelque chose au delà de la chair: et qu'au toucher ils soient comme l'ambre d'un crépuscule. Ah, laissez-moi vous dire qu'il faut que la femme qui est là, comme la corolle devant l'oiseau soit belle, ou qu'elle ait au moins un visage qui rappelle un temple; et qu'elle soit légère comme un reste de nuage: mais que ce soit un nuage avec des yeux et des fesses. Les fesses c'est très important. Les yeux, inutile d'en parler, qu'ils regardent avec une certaine malice innocente. Une bouche fraîche (jamais humide), mobile, éveillée, et aussi d'une extrême pertinence. Il faut que les extrémités soient maigres, que certains os pointent, surtout la rotule, en croisant les jambes et les pointes pelviennes lors de l'enlacement d'une taille mobile. Très grave toutefois est le problème des salières: une femme sans salières est comme une rivière sans ponts. Il est indispensable qu'il y ait une hypothèse de petit ventre, et qu'ensuite la femme s'élève en calice et que ses seins soient une expression gréco-romaine, plus que gothique ou baroque et qu'ils puissent illuminer l'obscurité avec une force d'au-moins 5 bougies. Il faut absolument que le crâne et la colonne vertébrale soient légèrement visibles et qu'il existe une grande étendue dorsale...

Que les membres se terminent comme des hampes, mais qu'il y ait un certain volume de cuisses. Qu'elles soient lisses, lisses comme des pétales et couvertes du duvet le plus doux, cependant sensible à la caresse en sens contraire.
Les longs cous sans nul doute sont préférables de manière à ce que la tête donne parfois l'impression de n'avoir rien à voir avec le corps et que la femme ne rappelle pas les fleurs sans mystère. Les pieds et les mains doivent contenir des éléments gothiques discrets. La peau doit être fraîche aux mains, aux bras, dans le dos et au visage mais les concavités et les creux ne doivent jamais avoir une température inférieure à 37° centigrades, capables, éventuellement, de provoquer des brûlures du 1er degré.
Les yeux, qu'ils soient de préférence grands et d'une rotation au moins aussi lente que celle de la terre; qu'ils se placent toujours au delà d'un mur invisible de passion qu'il est nécessaire de dépasser. Que la femme, en principe, soit grande ou, si elle est petite, qu'elle ait l'altitude mentale des hautes cimes.
Ah, que la femme donne toujours l'impression que si ses yeux se ferment
En les ouvrant, elle ne serait plus présente avec son sourire et ses intrigues. Qu'elle surgisse, qu'elle ne vienne pas, qu'elle parte, quelle n'aille pas.

Et qu'elle possède un certain pouvoir de rester muette subitement, et de nous faire boire le fiel du doute. Oh, surtout qu'elle ne perde jamais, peu importe dans quel monde, peu importe dans quelles circonstances, son infinie volubilité d'oiseau, et que caressée au fond d'elle-même, elle se transforme en fauve sans perdre sa grâce d'oiseau; et qu'elle répande toujours l'impossible parfum; et qu'elle distille toujours le miel enivrant; et qu'elle chante toujours le chant inaudible de sa combustion et qu'elle ne cesse jamais d'être l'éternelle danseuse de l'éphémère; et dans son incalculable imperfection qu'elle constitue la chose la plus belle et la plus parfaite de toute l'innombrable création.

Vinicius de Moraes
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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 21:59
Rien ne ressemble plus à l'inspiration
Que l'ivresse d'une matinée de printemps,
Que le désir d'une femme.
Ne plus être soi, être chacun.
Poser ses pieds sur terre avec agilité.
Savourer l'air qu'on respire.

Je chante ce soir non ce que nous devons combattre
Mais ce que nous devons défendre.
Les plaisirs de la vie.
Le vin qu'on boit avec des camarades.
L'amour.
Le feu en hiver.
La rivière fraîche en été.
La viande et le pain de chaque repas.
Le refrain que l'on chante en marchant sur la route.
Le lit où l'on dort.
Le sommeil, sans réveils en sursaut, sans angoisse du lendemain.

Le loisir.
La liberté de changer de ciel.
Le sentiment de la dignité et beaucoup d'autres choses
Dont on ose refuser la possession aux hommes.

J'aime et je chante le printemps fleuri.
J'aime et je chante l'été avec ses fruits.
J'aime et je chante la joie de vivre.
J'aime et je chante le printemps.
J'aime et je chante l'été, saison dans laquelle je suis né.

Robert Desnos
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