Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 23:43

Au grand galop soulevant la poussière
J'irai là-bas le long de tes canyons,
Et dans ton ciel tout brûlant de lumière
Eclatera la joie de mes chansons.

Je conduirai la vieille diligence
Je bâtirai mon ranch au bord de l'eau.
Sous les étoiles, la nuit dans le silence,
Près d'un feu clair chantera mon banjo.

Pourtant jamais ne pourront me suffire
Tous ces trésors que j'aurai découverts.
Je reviendrai dans mon pays revivre
Au souvenir des galops du désert.

Et des amis j'en aurai par centaines;
Nous bâtirons le monde de demain.
Un monde en paix où la joie sera reine
Ce monde heureux dont rêvent les copains.

Tes blancs chevaux m'appellent
Et les plaines si belles.
Far west, far west!
Y'a de l'or à la pelle
Et des villes nouvelles:
Allons vers le far west!

Raymond Fau

Partager cet article
Repost0
18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 22:55

Il était une feuille avec ses lignes.
Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de cœur.

Il était une branche au bout de la feuille.
Ligne fourchue, signe de vie
Signe de chance
Signe de cœur.

Il était un arbre au bout de la branche.
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur.

Cœur gravé, percé, transpercé
Un arbre que nul jamais ne vit.

Il était des racines au bout de l'arbre.
Racine, signe de vie
Vignes de chance
Vigne de cœur.

Au bout de ces racines, il était la Terre.
La Terre tout court.
La Terre toute ronde.
La Terre toute seule au travers du ciel.
La Terre.

Robert Desnos

Partager cet article
Repost0
18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 22:49

J'entends la mer
Murmurer au loin, quand le vent
Entre les pins, souvent,
Porte son bruit rauque et amer
Qui s'assourdit, roucoule ou siffle, à travers
Les pins rouges sur le ciel clair...

Parfois
Sa sinueuse, sa souple voix
Semble ramper à l'oreille, puis recule
Plus basse au fond du crépuscule
Et puis se tait pendant des jours
comme endormie
Avec le vent
Et je l'oublie...
Mais un matin elle reprend
Avec la houle et la marée,
Plus haute, plus désespérée,
Et je l'entends.

C'est un bruit d'eau qui souffre
Et gronde et se lamente
Derrière les arbres sans qu'on la voie.

Henri de Régnier

Partager cet article
Repost0
18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 11:08

Le grand frigorifique blanc dans la nuit des temps
Qui distribue les frissons à la ville
Chante pour lui seul
Et le fond de sa chanson ressemble à la nuit
Qui fait bien ce qu’elle fait et pleure de le savoir
Une nuit où j’étais de quart sur un volcan
J’ouvris sans bruit la porte d’une cabine et me jetai aux pieds de la lenteur
Tant je la trouvai belle et prête à m’obéir
Ce n’était qu’un rayon de la roue voilée
Au passage des morts elle s’appuyait sur moi
Jamais les vins braisés ne nous éclairèrent
Mon amie était trop loin des aurores qui font cercle autour d’une lampe arctique
Au temps de ma millième jeunesse
J’ai charmé cette torpille qui brille
Nous regardons l’incroyable et nous y croyons malgré nous
Comme je pris un jour la femme que j’aimais
Nous rendons les lumières heureuses
Elles se piquent la cuisse devant moi
Posséder est un trèfle auquel j’ai ajouté artificiellement la quatrième feuille
Les canicules me frôlent comme les oiseaux qui tombent
Sous l’ombre il y a une lumière et sous cette lumière il y a deux ombres
Le fumeur met la dernière main à son travail
Il cherche l’unité de lui-même avec le paysage
Il est un des frissons du grand frigorifique.

André Breton

Partager cet article
Repost0
17 avril 2010 6 17 /04 /avril /2010 22:38

Le satin des pages qu'on tourne dans les livres moule une femme si belle
Que lorsqu'on ne lit pas on contemple cette femme avec tristesse
Sans oser lui parler sans oser lui dire qu'elle est si belle
Que ce qu'on va savoir n'a pas de prix
Cette femme passe imperceptiblement dans un bruit de fleurs
Parfois elle se retourne dans les saisons imprimées
Et demande l'heure ou bien encore elle fait mine de regarder les bijoux bien en face
Comme les créatures réelles ne font pas
Et le monde se meurt une rupture se produit dans les anneaux d'air
Un accroc à l'endroit du cœur
Les journaux du matin apportent des chanteuses dont la voix a la couleur du sable sur des rivages tendres et dangereux
Et parfois ceux du soir livrent passage à de toutes jeunes filles qui mènent des bêtes enchaînées
Mais le plus beau c'est dans l'intervalle de certaines lettres
Où des mains plus blanches que la corne des étoiles à midi
Ravagent un nid d'hirondelles blanches
Pour qu'il pleuve toujours
Si bas si bas que les ailes ne s'en peuvent plus mêler
Des mains d'où l'on remonte à des bras si légers que la vapeur des prés dans ses gracieux entrelacs au-dessus des étangs est leur imparfait miroir
Des bras qui ne s'articulent à rien d'autre qu'au danger exceptionnel d'un corps fait pour l'amour
Dont le ventre appelle les soupirs détachés des buissons pleins de voiles
Et qui n'a de terrestre que l'immense vérité glacée des traîneaux de regards sur l'étendue toute blanche
De ce que je ne reverrai plus
A cause d'un bandeau merveilleux
Qui est le mien dans le colin-maillard des blessures

André Breton

Partager cet article
Repost0
16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 22:35

Je suis tout imprégné de mer et sur ma tête écument les nuées
Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Un vieux noyer tout émondé, le corps couvert de cicatrices
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Et tout mon feuillage frémit comme au fond de l'eau le poisson
Et comme des mouchoirs de soie, mes feuilles froissent leurs frissons
Arrache-les, ô mon amour, pour essuyer tes pleurs.
Or mes feuilles, ce sont mes mains, j'ai justement cent mille mains
De cent mille mains je te touche et je touche Istanbul
Mes feuilles ce sont mes yeux, et je regarde émerveillé
De cent mille yeux je te contemple et je contemple Istanbul
Et mes feuilles battent et battent comme cent mille cœurs
Dans le jardin de Gulhané, voilà que je suis un noyer
Nul ne le sait, ni toi, ni même la police.

Nazım Hikmet

Partager cet article
Repost0
16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 22:20

Trois noisettes dans le bois
Tout au bout d'une brindille
Dansaient la capucine vivement au vent
En virant ainsi que filles
De roi.
Un escargot vint à passer :
"Mon beau monsieur, emmenez-moi
Dans votre carrosse,
Je serai votre fiancée"
Disaient-elles toutes trois.

Mais le vieux sire sourd et fatigué,
Le sire aux quatre cornes sous les feuilles
Ne s'est point arrêté,
Et, c'est l'ogre de la forêt, je crois,
C'est le jeune ogre rouge, gourmand et futé,
Monseigneur l'écureuil,
Qui les a croquées.

Tristan Klingsor

Partager cet article
Repost0
16 avril 2010 5 16 /04 /avril /2010 22:12

Mon oiseau bleu a le ventre tout bleu
Sa tête est d'un vert mordoré
Il a une tache noire sous la gorge
Ses ailes sont bleues
avec des touffes de petites plumes jaune doré
Au bout de la queue il y a
des traces de vermillon
Son dos est zébré de noir et de vert
Il a le bec noir les pattes incarnat
et deux petits yeux de jais

Il adore faire trempette,
se nourrit de bananes et pousse
Un cri qui ressemble au sifflement
d'un tout petit jet de vapeur.

On le nomme le septicolore.

Blaise Cendrars

Partager cet article
Repost0
15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 23:58

Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire?
C'est que voici le grand moment,
l'heure des yeux et du sourire,
le soir, et que ce soir je t'aime infiniment!
Serre-moi contre toi. J'ai besoin de caresses.
Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir,
d'ambition, d'orgueil, de désir, de tendresse, et de bonté!...
Mais non, tu ne peux pas savoir!...
Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu? Nous serons mieux.
C'est dans l'ombre que les cœurs causent,
et l'on voit beaucoup mieux les yeux
quand on voit un peu moins les choses.
Ce soir je t'aime trop pour te parler d'amour.
Serre-moi contre ta poitrine!
Je voudrais que ce soit mon tour d'être celui que l'on câline...
Baisse encore un peu l'abat-jour.
Là. Ne parlons plus. Soyons sages.
Et ne bougeons pas. C'est si bon
tes mains tièdes sur mon visage!...
Mais qu'est-ce encor? Que nous veut-on?
Ah! c'est le café qu'on apporte!
Eh bien, posez ça là, voyons!
Faites vite!... Et fermez la porte!
Qu'est-ce que je te disais donc ?
Nous prenons ce café... maintenant? Tu préfères?
C'est vrai: toi, tu l'aimes très chaud.
Veux-tu que je te serve? Attends! Laisse-moi faire.
Il est fort, aujourd'hui. Du sucre? Un seul morceau?
C'est assez? Veux-tu que je goûte?
Là! Voici votre tasse, amour...
Mais qu'il fait sombre. On n'y voit goutte.
Lève donc un peu l'abat-jour.

Paul Géraldy

Partager cet article
Repost0
15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 23:50

Pour faire une étoile à cinq branches
Ou à six ou même davantage
Il faut d'abord faire un rond
Pour faire une étoile à cinq branches...
Un rond !
On n'a pas pris tant de précaution
Pour faire un arbre à beaucoup de branches
Arbres qui cachez les étoiles!
Arbres !
Vous êtes pleins de nids et d'oiseaux chanteurs
Couverts de branches et de feuilles
Et vous montez jusqu'aux étoiles !

Robert Desnos

Partager cet article
Repost0