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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 11:18

Ton cœur est frais comme tes bras
Ta bouche est fraîche comme l'ombre
Ton ombre est fraîche comme une eau
Qui s'écoulerait de ton cœur

Beau corps violoncelle d'amour
Les cheveux sont des harpes
Au ruisseau d'ombre et d'herbes longues
Etincelle le saut des carpes

Celle que j'aime est un ruisseau
Qui me caresse de sa course
Celle que j'aime est un berceau
Où je m'endors au bruit des sources

Celle que j'aime est un rosier
Dont je voudrais cueillir la rose
Celle que j'aime est un brasier
Qui me purifie toute chose

Celle que j'aime est un roseau
Qui me courbe sous ses bras frêles
Celle que j'aime est un oiseau
Sa voix c'est du soleil qui grêle

Celle que j'aime est une aurore
Qui me sépare de la mort
Mais la mort qu'elle porte en elle
Est un mystère de lumière.

Maurice Fombeure

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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 11:15

Tes seins si calmes, si petits
Le jour, c'est, dans l'alcôve,
Quand vient le soir et l'appétit,
Comme de jeunes fauves,

Qui, si je tarde à mon devoir,
Soulèvent la baptiste
Pour mieux me faire apercevoir
Leur petit museau triste.

Jean-Luc Moreau

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 22:20

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite. Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

Dans l'ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite, dans l'ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.

Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite, sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.

Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite, sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.

De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite, de pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite. Saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé!

Paul Fort

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 22:15

Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale
Ça sera par un soir horrible
Clair, chaud, parfumé, sensuel
Je mourrai d'un pourrissement
De certaines cellules peu connues
Je mourrai d'une jambe arrachée
Par un rat géant jailli d'un trou géant
Je mourrai de cent coupures
Le ciel sera tombé sur moi
Ça se brise comme une vitre lourde
Je mourrai d'un éclat de voix
Crevant mes oreilles
Je mourrai de blessures sourdes
Infligées à deux heures du matin
Par des tueurs indécis et chauves
Je mourrai sans m'apercevoir
Que je meurs, je mourrai
Enseveli sous les ruines sèches
De mille mètres de coton écroulé
Je mourrai noyé dans l'huile de vidange
Foulé aux pieds par des bêtes indifférentes
Et, juste après, par des bêtes différentes
Je mourrai nu, ou vêtu de toile rouge
Ou cousu dans un sac avec des lames de rasoir
Je mourrai peut-être sans m'en faire
Du vernis à ongles aux doigts de pied
Et des larmes plein les mains
Et des larmes plein les mains
Je mourrai quand on décollera
Mes paupières sous un soleil enragé
Quand on me dira lentement
Des méchancetés à l'oreille
Je mourrai de voir torturer des enfants
Et des hommes étonnés et blêmes
Je mourrai rongé vivant
Par des vers, je mourrai les
Mains attachées sous une cascade
Je mourrai brûlé dans un incendie triste
Je mourrai un peu, beaucoup,
Sans passion, mais avec intérêt
Et puis quand tout sera fini
Je mourrai.

Boris Vian

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 22:05

Il suffit d'un regard pour que germe la haine
et déferle l'angoisse au fond des galaxies
il suffit d'un regard pour que mon être porte
aux sommets du plaisir les épaves de toi

Il suffit d'un regard pour que pleure la neige
et que monte la sève au levain de l'amour
il suffit d'un regard pour se tordre et s'enfuir
et d'un regard aussi pour que gicle le rêve!

Il suffit d'un regard pour que gronde la pierre
d'un regard qui embrasse et moule l'univers
il suffit d'un regard pour dans une prière
voir s'étendre la vie au néant vaste et mou!

Nadia Tueni

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 22:01

Solitude au grand cœur encombré par des glaces,
Comment me pourrais-tu donner cette chaleur
Qui te manque et dont le regret nous embarrasse
Et vient nous faire peur?

Va-t'en, nous ne saurions rien faire l'un de l'autre,
Nous pourrions tout au plus échanger nos glaçons
Et rester un moment à les regarder fondre
Sous la sombre chaleur qui consume nos fronts.

Jules Supervielle

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17 mai 2010 1 17 /05 /mai /2010 22:31

Il y a dans mon cœur un oiseau bleu qui
veut s’échapper
mais je suis trop coriace pour lui
Je dis, reste là-dedans, je ne suis pas sur le point
de laisser n’importe qui te
voir

Il y a dans mon cœur un oiseau bleu qui
veut s’échapper
mais je déverse du whisky sur lui et j’inhale
de la fumée de cigarette
et les putes et les tenanciers de bars
et les garçons d’épicerie
ne savent jamais qu’
il est
là-dedans

Il y a dans mon cœur un oiseau bleu qui
veut s’échapper
mais je suis trop coriace pour lui
Je dis,
est-ce que tu veux me
traumatiser?
tu veux bousiller mes
œuvres?
tu veux souffler les ventes de mon livre en
Europe?

Il y a dans mon cœur un oiseau bleu qui
veut s’échapper
mais je suis trop malin, je le laisse juste sortir
la nuit quelquefois
quand chacun est endormi.
Je dis, je sais que tu es là,
alors ne sois pas
triste.

et puis je le remets à sa place,
mais il chante un petit peu
là-dedans, je ne l’ai pas tout-à-fait laissé
mourir
et nous dormons ensemble comme
ça
avec notre
pacte secret
et c’est assez gentil pour
faire qu’un homme
pleure, mais je ne
pleure pas,
et
vous?

Charles Bukowski

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17 mai 2010 1 17 /05 /mai /2010 22:22

Je fais parfois le rêve étrange et pénétrant
d'une rue en étain blanchâtre et maternelle
l'un et l'autre trottoir palpite comme une aile
tandis que sa chaussée a tout son poids d'étant

Les ruisseaux de plomb pur s'écoulent dans l'étang
qu'engloutit une bouche à béance immortelle
à chaque extrémité s'inscrit une marelle
que ne traverse point le vulgaire impétrant

Sous un ciel de titane un seul toit promeneur
lentement se déplace au-dessus des bâtisses
où grouille un animal qui ressemble à ma sœur

Calme en son sicamor incertaine et factice
cette voie a le charme amarante et boudeur
de pouvoir se plier sans perdre son odeur

Raymond Queneau

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14 mai 2010 5 14 /05 /mai /2010 22:53

Il est terrible
le petit bruit de l'œuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ces vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l'homme titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
œuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.

Jacques Prévert

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 21:58

Écoute, tout mon cœur se déchaîne et t'appelle,
C'est fini des pâleurs timides et des cris
Qui restent dans la gorge en pleurs des tourterelles.
C'est fini des mots bleus et des gestes fleuris.
C'est fini de t'aimer en nouant des guirlandes
D'avril sur tes cheveux, en me pendant à toi
Comme un panier de joncs où meurent des lavandes
Quand la lune le soir nous conduit dans les bois.

Cécile Sauvage

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