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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 13:09
Tous nos arbres sont dépouillés,
Nos promenoirs sont tous mouillés,
L'émail de notre beau parterre
A perdu ses vives couleurs;
La gelée a tué les fleurs,
L'air est malade d'un caterre
Et l'œil du Ciel noyé de pleurs
Ne sait plus regarder la terre.

La nassaille attendant le flux
Des ondes qui ne courent plus,
Oisive au port est retenue;
La tortue et les limaçons
jeûnent perdus sous les glaçons;
L'oiseau sur une branche nue
Attend pour dire ses chansons
Que la feuille soit revenue.

Le Héron quand il veut pêcher
Trouvant l'eau toute de rocher
Se paît du vent et de sa plume,
Il se cache dans les roseaux,
Et contemple au bord des ruisseaux
La bise, contre sa coutume,
Souffler la neige sur les eaux
Où bouillait autrefois l'écume.

Les poissons dorment, assurés,
D'un mur de glace remparés,
Francs de tous les dangers du monde
Fors que de toi tant seulement
Qui restreins leur moite élément
Jusqu'à la goutte plus profonde,
Et les laisses sans mouvement
Enchâssés en l'argent de l'onde.

Théophile de Viau
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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 22:29
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au Soleil exposé,
     Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, Vieillards, tout était descendu.
L'attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s'approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement ;
Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
     Qu'elle fait aller la machine,
S'assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
     Aussitôt que le char chemine,
     Et qu'elle voit les gens marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l'empressée ; il semble que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
     La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ;
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
     Le Moine disait son Bréviaire ;
Il prenait bien son temps ! Une femme chantait ;
C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !
Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
     Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail, le Coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Çà, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.

Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
     S'introduisent dans les affaires :
     Ils font partout les nécessaires,

Et, partout importuns, devraient être chassés.

 

Jean de la Fontaine


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