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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 22:59
Songe, songe, mortel, que tu n'es rien que cendre
Et l'assuré butin d'un funeste cercueil;
Porte haut tes desseins, porte haut ton orgueil,
Au gouffre du néant il te faudra descendre.

Qu'est enfin un César, et qu'est un Alexandre
Dont les armes ont mis tant de peuples en deuil?
Ils sont où les grandeurs doivent toutes se rendre
Et toutes se briser comme sur un écueil.

Que ces exemples donc ton esprit humilient,
Et que tes vanités sous de tels rois se plient;
Ils furent dans leur temps plus que tu n'es au tien.

Cependant il n'en reste, après tant de merveilles
Qui furent des humains la perte et le soutien,
Qu'un peu de poudre au vent et de bruit aux oreilles.

Charles de Vion Dalibray
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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 21:41
Je songeais que Philis, des Enfers revenue,
Belle comme elle était à la clarté du jour,
Voulait que son fantôme encore fit l'amour,
Et que comme Ixion j'embrassasse une nue.

Son ombre dans mon lit se glissa toute nue,
Et me dit : "Cher Thyrsis, me voici de retour:
Je n'ai fait qu'embellir en ce triste séjour
Où depuis ton départ, le sort m'a retenue.

Je viens pour rebaiser le plus beau des amants,
Je viens pour remourir dans tes embrassements."
Alors que cette idole eût abusé ma flamme,

Elle me dit : "Adieu, je m'en vais chez les morts ;
Comme tu t'es vanté d'avoir baisé mon corps,
Tu pourras te vanter d'avoir baisé mon âme."

Théophile de Viau
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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 21:34
Entre deux draps de toile belle et bonne,
Que très souvent on rechange, on savonne,
La jeune Iris au cœur sincère et haut,
Aux yeux brillants, à l'esprit sans défaut,
Jusqu'à midi volontiers se mitonne.

Je ne combats de goûts contre personne:
Mais franchement sa paresse m'étonne;
C'est demeurer seule plus qu'il ne faut
   Entre deux draps.

Quand à rêver ainsi l'on s'abandonne,
Le traître amour rarement le pardonne;
À soupirer on s'exerce bientôt;
Et la vertu soutient un grand assaut,
Quand une fille avec son cœur raisonne
   Entre deux draps. 

Antoinette Des Houlières

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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 16:14
Courtisanes d’honneur, putains spirituelles,
De qui tous les péchés sont des péchés d’esprit,
Qui n’avez du plaisir qu’en couchant par escrit,
Et qui n’aimez les lits qu’à causes des ruelles;

Vous chez qui la nature à des fleurs éternelles,
Précieuses du temps, mes chères sœurs en Christ,
Puisque l’occasion si justement vous rit,
Venez dans ce bordel vous divertir, mes belles.

Si l’esprit a son vit aussi bien que le corps,
Vostre âme y sentira des traits et des transports
A faire descharger la femme la plus froide;

Et si le corps enfin est par l’amour fléchi,
Ce livre en long roulé, bien égal et bien roide,
Vaudra bien un godemichi.

Claude Le Petit
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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 21:02

Ode

Un corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards;
Deux belettes et deux renards
Traversent l'endroit où je passe;
Les pieds faillent à mon cheval,
Mon laquais tombe du haut mal;
J'entends craqueter le tonnerre.
Un esprit se présente à moi;
J'ois Charon qui m'appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.

Ce ruisseau remonte en sa source;
Un bœuf gravit sur un clocher;
Le sang coule de ce rocher;
Un aspic s'accouple d'une ourse;
Sur le haut d'une vieille tour
Un serpent déchire un vautour;
Le feu brûle dedans la glace;
Le Soleil est devenu noir;
Je vois la Lune qui va choir;
Cet arbre est sorti de sa place.

Théophile de Viau
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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 22:37
Maître corbeau, sur un arbre perché,
      Tenait en son bec un fromage. 
Maître renard par l'odeur alléché ,
      Lui tint à peu près ce langage: 
      "Et bonjour Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
      Sans mentir, si votre ramage 
      Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois"
A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie;
      Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec laisse tomber sa proie.
Le renard s'en saisit et dit: "Mon bon Monsieur,
      Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute:
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute."
      Le corbeau honteux et confus 
Jura mais un peu tard , qu'on ne l'y prendrait plus.

Jean de la Fontaine
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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 22:35
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue:
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La Fourmi n'est pas prêteuse;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez? j'en suis fort aise:
Eh bien! dansez maintenant."

Jean de la Fontaine
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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 21:31
Je disais l'autre jour ma peine et ma tristesse
Sur le bord sablonneux d'un ruisseau, dont le cours
Murmurant s'accordait au langoureux discours
Que je faisais assis, proche de ma maîtresse.

L'occasion lui fit trouver une finesse
"Silvandre, me dit-elle, objet de mes amours,
Afin de t'assurer que j'aimerai toujours,
Ma main dessus cette eau t'en signe la promesse"

Je crus tout aussitôt que ces divins serments,
Commençant mon bonheur, finiraient mes tourments,
Et qu'enfin je serais le plus heureux du monde.

Mais, ô pauvre innocent, de quoi faisais-je cas,
Etant dessus le sable elle écrivait sur l'onde
Afin que ses serments ne l'obligeassent pas.

Pierre de Marbeuf
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25 janvier 2010 1 25 /01 /janvier /2010 13:17
Quelquefois les chevaux vont caparaçonnés
De drap d'or et d'argent, richesse inestimable;
Toutefois, arrivés en la fumante étable,
On leur ôte l'habit duquel ils sont ornés.

Et ne leur reste rien sur les dos étonnés
Que lasseté, sueur et plaie dommageable
Dont l'éperon, la course et le faix les accable,
Défaillant sous les bonds en courbettes tournés:

Ainsi marche le prince accompagné sur terre;
Puis quand le trait subit de la Parque l'enferre,
Tous ses honneurs lui sont incontinent ôtés;

Car de tant de ressorts et provinces sujettes
Les rois n'emportent rien sous les tombes muettes
Que les forfaits commis en leurs principautés.

Jean-Baptiste Chassignet
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22 janvier 2010 5 22 /01 /janvier /2010 17:14
Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Duquel on ne saurait estimer la valeur;
S'il vous vient quelque ennui, maladie ou douleur,
Il vous rendra soudain à votre aise et bien saine.

Il n'est mal d'estomac, colique ni migraine
Qu'il ne puisse guérir, mais surtout il a l'heur
Que contre l'accident de la pâle couleur
Il porte avecque soi la drogue souveraine.

Une dame le vit dans ma main, l'autre jour
Qui me dit que c'était un perroquet d'amour,
Et dès lors m'en offrit bon nombre de monnoie;

Des autres perroquets il diffère pourtant:
Car eux fuient la cage, et lui, il l'aime tant
Qu'il n'y est jamais mis qu'il n'en pleure de joie.

Isaac de Benserade
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