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1 septembre 2010 3 01 /09 /septembre /2010 10:15

C'est cet hôtel. Cette chambre.
Le lit dans lequel ils ont dormi.
Les magnolias roses pendent encore dans l'armoire.
De leur amour ils ont contaminé presque toute la petite ville.
Les gens se tombaient dans les bras.
Les jeunes filles pendaient au cou des hommes comme de faux bijoux.
Dans les bureaux de change on échangeait les baisers.
On cessa de mourir.
Le corbillard transportait à présent de jeunes mariés.
Les employés lisaient des poèmes de Ronsard.
Les censeurs rayaient l'horizon.
Ils corrigeaient la vue de la fenêtre.
Sur la place du marché on suspendit
La fête de l'amour de Watteau
Des haut-parleurs on émettait
Dichterliebe les chants de Schuman.
On fixait aux animaux des ailes
en forme de cœur.
La terreur de l'amour étendit son règne sur la ville.
On précipitait les réfractaires dans l'abîme.
Est-il possible qu'ils ne veuillent pas aimer?
Quelqu'un tentait de prendre la parole - propos ineptes.
Quelqu'un d'autre avait un crime sur le bout de la langue.
Les rats quittaient en masse la petite ville sans un regard pour les feux d'artifice.
On dansait justement à un bal imposé.
Et eux seuls savaient
qu'un pas en avant c'est tout simplement la mort
et qu'un pas en arrière ce n'est qu'un meurtre

Ewa Lipska

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