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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 21:52
Des mots! Je croule sous le poids de mes paroles.
Des mots! des mots ont pris la place de ma chair.
Des mots! Lequel de vous est celui qui m'immole
Mots carnivores dont j'ai fait mon univers?

Le mot qui court, le mot qui dort, le mot qui plane
Cherchent dans le silence un visage à voler.
J'en possède un qui rampe, et c'est le mot "iguane".
Tous les mots innocents m'empêchent de parler.

Je dis le mot "azur" : c'est ma sainte révolte.
Je dis le mot "planète", et c'est mon désaccord
Avec moi-même. Oh, que ma rage est désinvolte!
C'est du mot que j'attends l'excuse de mon corps.

Les mots sont capricieux. J'aime le mot "presqu'île"
Je le prononce, et c'est déjà un animal,
Une fleur, une pierre. Où est mon domicile:
Dans le verbe, la chose ou mon chaos natal?

Les mots sont des tyrans. Je ne veux plus me taire.
J'écris, j'apprends la poésie par la terreur.
J'écris comme le veut mon seul vocabulaire.
J'écris, j'écris. Les mots sont tous des déserteurs.

Mots redoutés, me direz-vous ce que je pense?
Pitre ou faussaire, c'est par vous que je survis.
Vous êtes la grandeur de cette déchéance.
Répondez, répondez! Moi, je n'ai plus d'avis.

Je nais, je dois mourir, mais faut-il que je meure
Avant ma vie, avant ma mort, à chaque pas?
Mots graves, mots sérieux, vous ne cachez qu'un leurre.
J'ai abusé de vous, je ne comprends pas.

Je nais, je dois mourir; en attendant où vais-je,
Moi qui ne peux sortir de mon poème obscur?
C'est ma prison; je le prolonge ou je l'abrège:
Entre moi-même et moi il a construit ce mur.

Je me suis retrouvé dans le mot "tramontane",
C'est lui qui raccomode un univers brisé.
Je n'écris pas pour l'érudit, pour le profane.
J'écris par vice! je suis trop civilisé.

Je me suis retrouvé dans le mot "mirabelle",
Il mord dans le soleil comme on mord dans un fruit.
Je n'écris pas pour le poète, le rebelle.
J'écris par insolence, et je me sais gratuit.

Je me suis retrouvé dans le mots "bastingage" ;
C'est lui qui me promet le cœur de l'infini.
Je n'écris pas pour le prophète, pour le sage.
J'écris pour me blesser: je veux être puni.

Alain Bosquet
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