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8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 22:21
A Louis Aragon

"Un peu avant minuit près du débarcadère.
"Si une femme échevelée te suit n'y prends pas garde.
"C'est l'azur. Tu n'as rien à craindre de l'azur.
"Il y aura un grand vase blond dans un arbre.
"Le clocher du village des couleurs fondues
"Te servira de point de repère. Prends ton temps,
"Souviens-toi. Le geyser brun qui lance au ciel les pousses de fougère
"Te salue."
                       La lettre cachetée aux trois coins d'un poisson 
Passait maintenant dans la lumière des faubourgs
Comme une enseigne de dompteur.
                                                                    Au demeurant 
La belle, la victime, celle qu'on appelait
Dans le quartier la petite pyramide de réséda
Décousait pour elle seule un nuage pareil
A un sachet de pitié.
                                     Plus tard l'armure blanche 
Qui vaquait aux soins domestiques et autres
En prenant plus fort à son aise que jamais,
L'enfant à la coquille, celui qui devait être...
Mais silence.
                        Un brasier déjà donnait prise 
En son sein à un ravissant roman de cape
Et d'épée.
                  Sur le pont à la même heure, 
Ainsi la rosée à tête de chatte se berçait.
La nuit, - et les illusions seraient perdues.

Voici les Pères blancs qui reviennent des vêpres
Avec l'immense clé pendue au-dessus d'eux.
Voici les hérauts gris; enfin voici sa lettre
Ou sa lèvre: mon cœur est un coucou pour Dieu.

Mais le temps qu'elle parle, il ne reste qu'un mur
Battant dans un tombeau comme une voile bise.
L'éternité recherche une montre-bracelet
Un peu avant minuit près du débarcadère.

André Breton
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